La semaine militaire du 11 au 18 février 1915 (Le Général BARBOT)

La campagne de printemps s'annonce bien pour nos armes, à peine le temps s'est-il remis au beau
que notre offensive a repris plus intense, avec des succès qu'ont enregistrés les communiqués officiels.

En Belgique l'ennemi, inquiet de nos progrès sur la Grande-Dune, vers Ostende, a concentré un feu violent d'artillerie sur toute notre ligne, il a bombardé Nieuport et Ypres, mais notre artillerie et celle de l'armée belge, qui combat vaillamment à nos côtés, ont répondu efficacement. Des batteries ennemies ont été réduites au silence, des rassemblements de troupes ont été dispersés. Il n'a pas été signalé officiellement d'actions d'infanterie.

L'armée anglaise a remplacé nos troupes, au sud d'Ypres, et sa ligne s'étend maintenant continue jusqu'à la Bassée. L'ennemi avait réussi à s'emparer de quelques tranchées, vers Saint-Eloi, nos alliés ont bravement contre-attaqué, ils ont non seulement repris les tranchées perdues, mais ont avancé sensiblement, en faisant des prisonniers.

Plus au sud, les forces britanniques se sont emparées de tranchées allemandes aux environs de Cuinchy, près de la briqueterie de Violaines qu'elles avaient enlevée si brillamment.

Dans son rapport, le Maréchal French fait l'éloge de la bravoure des troupes indiennes.

Dans l'Artois, la lutte se poursuit pour la possession de la grande route d'Albert à Bapaume et Cambrai, les Allemands reviennent continuellement à la charge pour nous enlever ce que nous leur avons repris,
ils se heurtent à une résistance tenace de nos troupes, qui les repoussent à la baïonnette.

Au nord d'Arras, le 17 février, nous avons enlevé deux lignes de tranchées et refoulé de nombreuses contre-attaques, en infligeant aux Allemands des pertes sensibles, surtout en officiers.

La guerre de sape et de mines a continué dans cette région, l'ennemi a fait exploser une mine à l'extrémité d'une de nos tranchées, près de la Boisselle, mais sans résultat, de notre côté, nous avons fait sauter des tranchées ennemies près de Carency, à Beaurains, devant Dompierre, et nous avons pu les occuper ensuite, notre avance vers Péronne paraît donc s'accentuer.

L'ennemi a encore tenté une attaque sur Noulette, près de la position de Notre-Dame-de-Lorette, dont il essaye inutilement de nous déloger, le feu de notre infanterie a suffi pour l'arrêter net.

Dans tout le secteur, la lutte d'artillerie s'est poursuivie violente et en notre faveur. Notamment près de Bailly entre l'Oise et l'Aisne, nos canons ont tiré efficacement sur des rassemblements, des convois automobiles et des lance-bombes. Notre artillerie lourde a encore atteint la gare de Noyon, centre de ravitaillement des corps allemands.

C'est en Champagne que notre activité paraît se manifester plus vive que dans les autres régions. Avec une inlassable patience, nous progressons vers la vallée de la Dormoise et les hauteurs qui dominent le chemin de fer le Challerange qui, allant de l'est à l'ouest, est si précieux pour les Allemands. Le 12 février, un de nos bataillons réussit à s'emparer d'un bois, dans la région de Souain, il ne put le conserver, une tempête de neige étant venue contrarier le tir de notre artillerie. Le 15 nos troupes prenaient une éclatante revanche en enlevant trois kilomètres de tranchées, au nord-ouest de Perthes, cette avance s'accentuait encore le 17, et nous prenions près d'un kilomètre de tranchées.

En vain les Allemands ont-ils contre-attaqué, dans la nuit du 15 au 16 ils sont allés dix fois à l'assaut des positions que nous leur avions enlevées, dans la journée du 16, ils sont revenus à la charge, toujours inutilement. Nous les avons repoussés, nous leur avons pris des lance-bombes, et nous leur avons fait des prisonniers.




Au cours de sa visite à nos troupes, M.POINCARÉ, passe en revue, son ancien Bataillon de Chasseurs Alpins.

Pendant ce temps, leur grosse artillerie bombardait Reims à nouveau, ce sont peut-être les derniers obus qu'ils auront lancés sur la malheureuse cité, car nous nous sommes approchés du village de Loivre, situé au pied des hauteurs de Brimont, d'où les Allemands bombardent Reims.

Les pertes que l'ennemi a subies dans les bois de l'Argonne, lors des attaques contre l'ouvrage Marie-Thérèse, avaient un peu calmé son ardeur, il s'est borné à lancer des bombes, sans sortir de ses tranchées. Toutefois, le 15, notre infanterie a attaqué, nous avons détruit un blockhaus et pris des tranchées.
Les Allemands ont voulu riposter, le 16 ils mettaient en ligne au moins trois bataillons, et attaquaient vers le Four-de-Paris, le combat a été long et violent, nous avons repoussé l'ennemi et lui avons infligé de grosses pertes. Dans le bois de la Gruerie, nous avons progressé et nous avons maintenu tous nos gains. Entre l'Argonne et la Meuse, nous nous sommes rendus maîtres d'un bois, au sud du bois de Cheppy, et nous avons gagné du terrain au nord de Malancourt et au sud du bois de Forges.

Le mauvais temps avait presque complètement arrêté toutes les opérations en Woëvre et sur les Hauts-de-Meuse, il semble que, depuis quelques jours, elles ont repris avec une certaine activité. Les Allemands ont canonné nos positions, vers Rambucourt et le bois de la Hazelle. Pendant ce temps, nous avons bombardé les gares de Thiaucourt et d'Arnaville, à la gare de Thiaucourt aboutit le chemin de fer de campagne que les Allemands ont établi jusqu'à Saint-Mihiel.

Deux actions, de peu d'envergure d'ailleurs, se sont produites en Lorraine, et elles se sont terminées toutes les deux à notre avantage.

Sur la route de Lunéville à Moyenvic, tout près de la frontière, une compagnie allemande a attaqué nos postes qui défendent le village d'Arracourt, tandis qu'une autre attaque était dirigée à 4 kilomètres à l'ouest, sur la ferme de Ranzey. L'ennemi a été repoussé.

La seconde action a commencé le 14 février. Les Allemands, refoulant notre grand-garde, réussissaient à occuper la hauteur du signal de Xon et le hameau de Norroy, nous contre-attaquons aussitôt, et nous le repoussions sur les pentes nord du signal. L'ennemi se maintenait jusqu'au 17 dans le village de Norroy, nos troupes revenaient vaillamment à la charge et le chassaient de toutes ses positions.


Le signal de Xon est une position superbe, dressée à une altitude de 385 mètres entre la Moselle et la Seille, à 4 kilomètres environ au nord-est de Pont-à-Mousson, de là il nous est possible de bombarder les gares de Pagny-sur-Moselle et d'Arnaville, aussi les Allemands se sont-ils acharnés à nous en déloger, après avoir momentanément réussi, ils ont dû reculer.

En Alsace nos succès se sont affirmés. On a d'abord annoncé que l'ennemi avait pris l'offensive par la vallée de la Lauch, avec deux colonnes s'avançant sur les rives nord et sud de la rivière. Cette offensive ne s'est pas poursuivie, elle a été arrêtée par une brillante action de nos skieurs alpins.

Nos chasseurs, le 12 février, enlevaient, sous une violente tempête de neige, un petit sommet de 937 mètres au nord-ouest de la ferme Sudel, au nord du Hartmannswillerkopf. Cette hauteur commande la vallée de Rimbach, où sont situés les villages de Rimbach-zelle et Jungholtz, les Allemands en avaient fait une petite forteresse, lance-bombes, mitrailleuses, centaines de fusils, boucliers, bombes, outils de toute sorte sont tombés entre nos mains.

Nos troupes d'Alsace ont eu la récompense de leurs exploits, le Président de la République, accompagné du ministre de la guerre, est allé les visiter et les féliciter. Après avoir passé une journée au milieu d'elles, M. Poincaré a parcouru une vingtaine de communes de la Haute-Alsace, des acclamations enthousiastes des populations qui reviennent à la France ont salué le chef de l'Etat.

Les aviateurs anglais ont réussi un raid magnifique, quarante de leurs aéroplanes et hydrophanes ont bombardé Ostende, Middelkerke, Ghistelles et Zeebrugge, causant à l'ennemi des dégâts énormes, des bombes ont été jetées sur les batteries lourdes allemandes, sur des convois de munitions, sur les hangars de zeppelins et sur la jetée de Zeebrugge, huit de nos aéroplanes ont contribué au succès de cette hardie expédition, en empêchant les avions allemands de sortir de l'aérodrome de Ghistelles.

Au retour, l'aviateur anglais Grahame White est tombé à la mer, en vue de Nieuport,



un bateau français l'a ramené sain et sauf.




Sur les pentes de Notre-Dame-de-Lorette qui, pour être moins hautes, n'ont pas été moins difficiles à enlever
que les sommets des Vosges en Alsace, les chasseurs alpins ont montré la même héroïque vaillance. A leur tête
se trouvait le général Barbot qu'on voit ici en longue capote, coiffé du béret de ses chasseurs.
Le général a été tué à son poste de commandement.
(Il est inhumé au cimetière de Notre Dame de Lorette)à proximité de la nécropole


La nécrople de Notre Dame de Lorette



Sur le terrain de la bataille qui a fait rage autour de Carency, plusieurs généraux et de nombreux
officiers sont assemblés pour à des expériences de nouveaux projectiles, au premier plan, à gauche,
le général Fayolle s'entretient avec le regretté général Barbot qui porte l'uniforme des chasseurs alpins.




Les combats de nuit sont fréquents en Haute-Alsace,
des fusées, des projecteurs éclairent ces rencontres où nos chasseurs alpins triomphent.


Carte du front au 18 février 1915

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Source : Le Pays de France du 25 février 1915, photos Notre Dame de Lorette (Guy JOLY)

modifié : janvier 2014
Copyright JOLY Guy