II faut journellement, pour l'armée que l'on ravitaille, 300.000 rations de pain : la station magasin peut en fournir 200.000, le reste est envoyé directement par d'autres boulangeries militaires. Ces 200.000 rations représentent 150.000 kilogrammes de pain. Quatre boulangeries, comprenant 16 pétrins mécaniques et 80 fours démontables, assurent cette production. ![]() Les pétrins mécaniques |
Les farines arrivent par wagons de différents points du territoire. Comme elles sont de diverses qualités, que leur état de conservation n'est pas toujours identique, il convient d'abord de les mélanger : un mélangeur mécanique fait ce premier travail à la proportion voulue. De nouveau ensachées, les farines filent le long de câbles de fer vers les pétrins mécaniques où elles sont déversées par une manche en toile. La levure, l'eau et le sel nécessaires sont ajoutés : il faut, tous les jours, 1100 à 1200 kilogrammes de sel. Les pétrins sont mis en marche, si l'un d'eux s'arrête par suite d'une avarie quelconque, on pétrit à bras. La pâte est disposée dans de petits paillassons : quand elle a levé, chaque pain est marqué à la date du jour et l'on enfourne. Un brigadier, sans discontinuer, pousse et retire sa pelle, qu'essuie un servant, chaque fournée contient 135 à 140 pains. La cuisson terminée, les pains sont rangés dans les grands casiers de la paneterie, d'où une équipe les transporte dans les trains, à raison de 5.000 par wagon. Près de 700 hommes sont employés à ce travail de panification : ils se divisent en deux équipes, car on travaille jour et nuit. Chaque boulangerie comprend un officier ou adjudant, un sous-officier, un brigadier principal pour cinq fours, un brigadier, deux pétrisseurs et un servant par four. Pour chauffer les fours on brûle, chaque jour, 40.000 kilogrammes de bois, le débit d'une scierie mécanique installée près des boulangeries ne suffit pas, il a fallu lui adjoindre des hommes de corvée qui scient et fendent le bois supplémentaire. |
Les bêtes destinées à la nourriture des troupes ne sont pas abattues, on le sait, à la station-magasin. Elles sont expédiées vivantes. Ainsi que nous l'avons dit, les écuries et les parcs contiennent 4.000 têtes environ. Tous les jours, il faut fournir une moyenne de 300.000 rations, ce sont 500 à 600 bœufs ou vaches qui, tous les jours, sont embarqués pour le front. Une fois par semaine, on donne à nos soldats de la viande de porc, pour ce jour-là, 1.000 à 1.500 porcs vivants sont expédiés aux abattoirs de l'armée. ![]() Un groupe de cinq fours |
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Le pain et la viande constituent le fond du menu. Mais nos braves troupiers réclament souvent contre cette abondance de viande, " ils voudraient des légumes". On leur en expédie cependant, et par quelles quantités ! Tous les jours, la station-magasin doit donner tous les cinq jours, soit :
C'est ainsi que l'expédition seule des choux représente 3.000 quintaux, chaque jour, à pleins tombereaux, les maraîchers du voisinage viennent les déverser à la " station-magasin ", où ils s'amoncellent en une pittoresque montagne verte. Et les autres denrées ! La multiplications donne, comme produit :
II faut assaisonner cette cuisine : |
![]() La torréfaction du café |
Le " jus " cher à nos troupiers. Se doutent-ils, nos soldats, de la quantité formidable de café que nécessite cette boisson si plaisantée, mais si appréciée : 7.200 kilos de café torréfié sont envoyés quotidiennement à la seule armée que l'on ravitaille ici. Ce café est torréfié tous les jours, vous pensez bien qu'il ne s'agit plus de la brûloir de nos pères, que l'on tournait d'un geste lent et cadencé. On a installé quatre torréfacteurs monstres ; imaginez une sphère d'environ un mètre de diamètre ; elle roule, suspendue au milieu d'un four chauffé au bois, automatiquement, par un système de contre-poids, lorsque la torréfaction est parvenue au degré voulu, les portes du four s'ouvrent, la sphère sort et vient déverser son contenu sur un vaste plancher où s'opère le refroidissement. Chaque torréfacteur contient 80 kilos de café, on fait vingt-quatre brûlées par jour, les quatre torréfacteurs brûlant à la fois. Pour sucrer cette immense tasse de café, il faut du sucre en proportion. Il en est expédié, journellement, 9.600 kilogrammes. |
Le vin arrive dans des wagons réservoirs de la région du Midi. Il est transvasé dans des tonneaux qui partiront pour la gare régulatrice. L'eau-de-vie est également envoyée au moyen de petits fûts. Chaque jour, il est ainsi expédié 675 hectolitres de vin et 60 hectolitres d'eau-de-vie. La ration est fixée à un demi-litre de vin et à un seizième d'eau-de-vie par homme. Mais, dans les tranchées, les commandants d'unités peuvent augmenter ces rations : par les froids et les journées de pluie, nos troupiers trouvent ainsi un stimulant qui les réchauffe un peu.
Nous venons de passer en revue ce qu'on pourrait appeler les rations réglementaires prévues pour la nourriture des troupes. |
![]() Les wagons citernes |
![]() pompage de l'eau et remplissage des barriques |
![]() approvisionnement de l'eau avec d'anciens bidons d'essence |
L'eau ne ruisselle pas partout en Artois comme dans l'Argonne ou en Alsace, et nos troupes ont dû forer de véritables puits artésiens, à certains endroits, pour s'en procurer. Celui que l'on voit ici est situé au centre d'une région désormais célèbre. Son débit est considérable. Toute la journée, les hommes préposés au service de la pompe emplissent des barriques auxquelles leurs camarades viennent s'approvisionner avec des anciens bidons d'essence pour porter l'eau dans les tranchées. |