L'histoire de la Tour Saint Jacques la Boucherie


Cette tour gothique, d'une élévation qui égale celle des tours Notre-Dame, d'une structure élégante et fine, située au centre de l'ancien quartier Saint-Jacques-la-Boucherie, aujourd'hui quartier Saint-Martin, rue de Rivoli, boulevard de Strasbourg et de l'Hôtel de Ville, est un souvenir du vieux Paris, de ce Paris qui s'en va pierre par pierre sous le pic destructeur du maçon, et dont on ne retrouvera la physionomie qu'à l'hôtel de Cluny ou dans les livres de l'archéologie et de l'historien. Au milieu des nouveaux quartiers qui se forment, des nouvelles constructions qui s'élèvent, la Tour Saint Jacques la Boucherie représente le moyen âge du XIX ème siècle.
Les opinions les plus contradictoires ont été émises sur l'origine de l'église Saint Jacques la Boucherie par les historiens
Dubreul
, Malingre, Sauval et par les abbés Lebeuf et Vilain. Ce qui ressort de ces discussions, c'est que l'église Saint Jacques fut élevée sur le terrain d'une chapelle dédiée à Sainte Anne. Elle devint église paroissiale au commencement du XII ème siècle pour la commodité des habitants du quartier des Arcis, qui se trouvait trop éloigné de l'église Saint Martin. L'église Saint Jacques la Boucherie emprunte son nom à l'invocation de la Saint Jacques le Majeur et au voisinage de la grande boucherie située derrière le Châtelet.
L'église étant devenue trop petite pour le nombre toujours croissant de ses paroissiens, elle fut agrandie à plusieurs reprises au XIII et XIV ème siècles. Encore en construction, l'évêque de Turin, Gérard de Montaigu, vint le 24 mars 1414, en faire la consécration. Cet évêque fut invité par les paroissiens à un dîner composé de poisson et d'hypocras, qui coûta 70 sous parisis seulement.
 



La construction de l'église Saint Jacques la Boucherie ne fut terminée que sous François 1er. La Tour Saint Jacques la Boucherie s'éleva lentement. Commencée sous le règne de Louis XII, en 1508, elle fut terminée quatorze ans après, en 1522.
La construction de l'église Saint Jacques la Boucherie ne fut terminée que sous François 1er. La Tour Saint Jacques la Boucherie s'éleva lentement. Commencée sous le règne de Louis XII, en 1508, elle fut terminée quatorze ans après, en 1522.
Rault, le tailleur d'images, qui sculpta la figure colossale de Saint Jacques le Majeur, debout au sommet de la tour, l'aigle, le lion et le bœuf symboliques, reçut vingt livres tournois pour ses travaux. De la plate forme, d'une élévation de 150 pieds, à laquelle on arrive après avoir monté 291 degrés, on voit, dit Sauval, en promenant ses regards sur Paris, la distribution et le cours de toutes les rues, comme les veines dans le corps humain.
Nicolas Flamel, écrivain juré de l'Université de Paris et libraire, que ses contemporains crurent alchimiste parce qu'il ne surent pas découvrir l'origine de son immense fortune, avait fait construire à ses frais le petit portail septentrional de l'église, du côté de la rue des Écrivains.
Dans le tympan de ce portail, on le voyait en effigie à côté de sa femme Pernelle (un bon nom de femme d'autrefois), agenouillée aux pieds de la Vierge. Nicolas Flamel fut enterré à St Jacques. Cette église fut également le lieu de sépulture de Jean Fernel, médecin de Henri II, de l'on disait qu'il pensait comme Aristote et écrivait comme Cicéron. Mais guérissait-il comme Hippocrate et Galien ?.
Saint Jacques la Boucherie était une des églises qui jouissaient du droit d'asile et l'on trouve des exemples de ce droit bizarre jusque dans le XIV ème siècle
.
En 1357, pendant la régence orageuse du dauphin depuis Charles V, Jean Baillet, trésorier général des finances, partisan fidèle du prince, fut assassiné par le changeur Perrin Macé. Le meurtrier s'étant réfugié dans l'église Saint Jacques, en avait été arraché par ordre du régent, qui l'avait fait pendre sur le champ.
Aussitôt l'évêque de Paris, Jean Melan , que l'on comptait parmi les ennemis du prince, se récria contre cette violation de l'immunité ecclésiastique, demanda le corps de Perrin, qu'on fut obligé de lui rendre, et lui fit faire à Saint Merry des funérailles magnifiques auxquelles il assista avec le prévôt des marchands, pendant que le dauphin assistait à celles de Jean Baillet.
La même scène se renouvelle en 1406 au sujet d'un autre criminel qui s'était sauvé dans la même église, et qu'on y avait ressaisi pour le conduire à la Conciergerie. L'Évêque d'Orgemont fit immédiatement cesser le service divin, et ne permit de le reprendre que lorsque le parlement eut fait droit à sa requête contre la profanation de son église.
Enfin, Louis XII abolit ce droit de franchise, aussi dangereux pour la société que pour l'Église.
Les Confréries qui ralliaient à Saint Jacques la Boucherie ont joui autrefois de quelque célébrité. Avant que chaque paroisse de Paris eût établi une fête particulière des clercs, la confrérie générale de tous les clercs de la ville était dans cette église.
La confrérie de Saint Charles, qui fut instituée en 1617, avait une telle réputation, que deux reines s'y sont fait agréger. On voyait dans une des chapelle une statue de Saint Georges assez remarquable qu'avait fait élever une confrérie de ce nom.
L'église Saint Jacques, supprimée en 1790, servit quelque temps aux assemblées de district, elle fut aliénée en 1797 par l'administration du domaine national, et démolie, moins la tour qui accompagnait le portail.
La démolition de l'église Saint Jacques la Boucherie est certainement un fait regrettable au point de vue de l'histoire de l'art, car elle présentait un curieux assemblage des styles au XII, XIII et XIV ème siècles.

Les parties élevées sous François 1 er appartenaient au style gothique de la période extrême. L'église contenait beaucoup de tombeaux et de monuments de sculpture, ou en recueilli de nombreux débris, entre autres de belles bases de colonnes du XIII ème siècle, l'épitaphe de Nicolas Flamel, qui ont été déposés au milieu du musée Cluny.

Un très beau bas relief en albâtre, représentant la mort de la Vierge, fut extrait de l'église Saint Jacques, l'église Saint Denis en est devenu dépositaire.

En outre, il y avait de remarquable dans l'église Saint jacques un Christ en bois, de Jacques de Sarazin , célèbre sculpteur du XIV ème siècle, et un tableau dans la chapelle de Saint Charles, qui représentait ce saint distribuant des aumônes à des pauvres. Quentin Varin avait peint ce tableau estimé. On faisait également cas de quelques vitraux de la main de Pinaigrier.

Sur l'emplacement de l'église on établit un marché de friperie appelé Cour du commerce. Quant à la tour, devenue propriété particulière, elle servit d'abord à une fabrique de plomb de chasse, puis son dernier propriétaire la mit en vente en 1836, époque où les archéologues, les artistes, les écrivains, Victor Hugo et sa Notre Dame de Paris avaient ressuscité le moyen âge et réveillé l'amour du gothique. L'administration municipale se rendit adjudicataire de la tour Saint Jacques moyennant 250 000 francs.

 









 
la Tour St Jacques la Boucherie, veuve de son église, de ses contreforts, de ses maisons qui ont dû disparaître pour le nivellement de la rue de Rivoli, ressemble, dans son isolement au milieu de la place, à ces vieillards longanimes qui, après avoir vu s'éteindre autour d'eux des générations d'amis, ont la douleurs de survivre à leurs propres ruines. Cependant rien n'a été épargné pour la restauration convenable de la Tour St Jacques la Boucherie, confiée à deux architectes, MM. Ballu et Roguet. Des plantations magnifiques ont été faites autour du monument, des fontaines ont été construites, on a rétabli au sommet de la tour la statue colossale de Saint Jacques le Majeur, les animaux symboliques, l'ange, le lion, l'aigle, le taureau sont dus au ciseau de M. Chenillon. Enfin, sous la voûte du rez-de-chaussée, on a placé une statue de Pascal, qui, comme on sait, a fait des expériences dans la tour Saint Jacques pour déterminer la pesanteur de l'air. Le statuaire n'a pas rendu heureusement la physionomie profonde du grand philosophe. Il est vrai que cette statue est fort mal placée et comme écrasée sous des arcades gothique. Ce qu'il faut à ces géomètres de la pensée, à ces hardis chercheurs de vérités, c'est la place publique, c'est le libre horizon. Ils ne regardent pas le passé, ils se tournent vers l'avenir, leur pensée n'est pas contenue dans le moyen âge naïf, sombre et mystérieux, dans le vieux Paris, elle appartient aux temps moderne que leur génie a éclairés, au nouveau Paris amoureux de lumière, d'air et d'espace, dégagé des obscures demeures, des ruelles, des cloaques et des ténèbres du moyen âge.  

source : Journal pour tous 1856




Mesurant quatre cents coudées,
Dans les régions inondées
Par la nuée où dort l'éclair,
Massive, sereine et sublime,
Elle porte sa haute cîme
Ainsi qu'une reine de l'air !

Glorieux débris d'une ancienne église,
Son passé, gravé sur la pierre grise,
Nous ramène aux temps de François Premier,
Debout sur le faite aux frontons opaques,
Surgit le portrait sculpté de Saint Jacques,
Ainsi qu'une aigrette au bout d'un cimier.

 
En bas, car son histoire est riche,
Comme un autre saint dans sa niche,
Sous le plafond monumental,
De l'arcade au rez de chaussée,
Apparaît, roulant sa pensée,
La grande image de Pascal.

Car c'est en ces lieux que le géomètre,
L'illustre écrivain, à tous notre maître,
Des cieux mieux connus sondant la hauteur,
Dans des régions pour lui seul ouvertes,
Prenant l'air pour but de ses découvertes,
Formula les lois de sa pesanteur.
 

source : Journal de la semaine 1863-1864


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date de création : le 2 mars 2008--Copyright Guy JOLY