les époques marquantes de l'histoire de La Rochelle

La Rochelle (Rupella), autrefois capitale du pays d'Aunis et maintenant chef-lieu du département de la Charente Inférieure, ne date pas d'une époque bien reculée. La première charte où il en soit fait mention, est de Guillaume, duc d'Aquitaine, surnommé Tête d'Étoupe, en 961. Son nom ne reparaît plus qu'en 1139, dans un acte d'Éléonore d'Aquitaine.
Jusqu'à cette dernière époque La Rochelle n'avait été qu'un petit bourg maritime, habité par des pêcheurs. La ville la plus importante du pays d'Aunis était Châtelaillon, située à deux lieues environ dans le sud, fortifiée d'abord par Charlemagne contre les Normands, entourée de remparts, de tours, de fossés, et munie d'un havre devant lequel les navigateurs ne pouvaient passer sans amener leur pavillon en signe de respect.

Mais la mer travaillait à changer cet état de choses en minant la côte et détruisant les môles du port de Châtelaillon, les fortifications et la ville. Aujourd'hui Châtelaillon n'est plus.
Ses dernières ruines ont été emportées dans le rude hiver de 1709, et la pointe qui porte encore ce nom est sans cesse battue par les vagues. Quelquefois des masses de terre en s'éboulant mettent à découvert des ossements et des tombes, que jadis on avait déposés en terre ferme loin du rivage, sans soupçonner qu'ils fussent destinés à trouver au fond des eaux leur dernière demeure.

Or, tandis que la décadence de Châtelaillon s'accélérait, elle tournait à l'avantage de La Rochelle. Cette ville se trouvait déjà en possession d'un commerce important, lorsque Henri roi d'Angleterre, faisant valoir les droits de son épouse Éléonore, força les comtes de Mauléon à lui en céder la suzeraineté. Il l'érigea en commune, et lui accorda en outre plusieurs autres privilèges. Il fit aussi élever en face du port un château flanqué de tours, auquel il donna le nom de Vaucler. Plus tard il récompensa, par de nouvelles concessions, la fidélité que les Rochelais lui avaient gardée pendant la révolte de ses fils :

par exemple, il abolit le droit de saisie sur les navires naufragés.

La prospérité commerciale de la ville s'accrut encore après la mort de ce prince, par suite de l'asile qu'y trouvèrent les Juifs chassés du royaume de France.


Reconquise par Louis VIII, elle fut comprise dans la rançon du roi Jean et rentra encore sous la domination anglaise, dont elle se débarrassa de nouveau, pour se livrer au connétable Duguesclin. Toutefois, dans cette dernière circonstance, elle ne se remit au pouvoir du roi de France qu'en exigeant de lui la concession de certains privilèges,

l'abolition de plusieurs impôts, et la démolition du château de Vaucler dont les débris furent consacrés à l'achèvement d'un nouveau port, et la construction des deux tours qui défendent l'entrée. Ces travaux furent achevés en 1418, et les avantages du nouveau port attirèrent un grand nombre de navires d'un tonnage considérable.

 
Port de La Rochelle

La réforme de Luther devait avoir sur les destinées de La Rochelle une profonde influence. Les prosélytes des nouvelles idées ne tardèrent pas à s'y multiplier. Il y eut d'abord des victimes, il fallut se cacher, et les personnes riches firent construire secrètement des chapelles particulières dont on retrouve encore des colonnes sculptées et d'autres débris dans les caves de plusieurs maisons de la ville.

Pendant les guerres religieuses de la France, La Rochelle joua un rôle des plus importants : sa position maritime, son état d'indépendance, son commerce, les relations que d'anciens, souvenirs de possession établissaient entre elle et les Anglais, en firent le boulevard du protestantisme et l'un des centres d'activité des mécontents.

Aussi, ses luttes avec l'autorité royale forment-elles une partie essentielle de l'histoire intérieure de notre pays, et ne furent-elles terminées qu'à l'époque du siège de la ville par le cardinal Richelieu.

Ce siège est l'un des plus brillants de notre histoire, à cause des personnages de haut rang qui y assistaient, des traits de courage et d'habileté qui y furent prodigués, et des épisodes qui s'y rattachèrent. Les romanciers se sont emparés des scènes principales, pour en reproduire les effets dramatiques.

Cependant, il ne faut pas attribuer sa célébrité seulement aux évènements qui s'y passèrent, il faut se rappeler qu'à cette époque, Richelieu luttait contre les privilèges de toutes sortes qui entravaient l'autorité royale, et que La Rochelle était un des derniers obstacles qui s'opposassent à ses desseins. Le principe religieux, loin d'être le premier mobile de la guerre, était seul subordonné à l'attachement des habitants pour les privilèges dont la commune jouissait. Cela apparaît bien nettement lorsqu'on suit les détails de ce qui se passa dans la ville, et qu'on lit le texte des négociations qui eurent lieu entre les Rochelais et le roi d'Angleterre.

On voit d'ailleurs qu'aussitôt après la reddition de la place, les capitales des provinces elles villes maritimes du royaume furent dépouillées de leurs privilèges principaux. Quant à La Rochelle, les résultats les plus remarquables de sa défaite furent le rétablissement de la religion catholique et l'abolition de la mairie. Les habitants furent soumis à impôt de la taille, les revenus de la commune attribués au domaine de la couronne, et la cloche de l'échevinage fondue.

Les fortifications furent aussi détruites, mais en 1689, on. en éleva de nouvelles : l'autorité royale (Louis XIV) alors au-dessus de toute crainte, et La Rochelle, menacée , était un point trop important de notre littoral pour demeurer sans défense.

Dans l'intérieur de l'Hôtel-de-Ville, on voit la salle où fut nommé Guiton, qui remplit les fonctions de maire pendant la durée du siège. Ce magistrat n'accepta qu'à la condition de pouvoir poignarder de ses mains le premier qui parlerait de se rendre, consentant à ce qu'où en usât de même envers lui, s'il proposait de capituler. Lors de l'élection de Guiton, on avait nommé en même temps deux autres candidats et, vu la maladie du sénéchal de la ville, on s'adressa à l'assesseur criminel Colin, pour faire le choix parmi les trois. Dans l'histoire de La Rochelle, par M. Dupont (1830), on lit à cette occasion :

Colin désigna Jean Guiton, en rappelant que dans un danger pareil à celui où l'on était, en 1586, un de ses ancêtres, Jacques Guiton, avait fort bien gouverné et défendu la ville, fine antre grande raison aux yeux de Colin, c'était qu'il avait déjà désigné un maire sept années auparavant, que Jean Guiton était élu six fois sept ans après son ancêtre, et que tous deux se trouvaient dans une même année climatérique, qui ne pouvait qu'être heureuse.

Cette remarque donna bon espoir. Deux jours après, on eût aussi beaucoup de joie d'un grand cercle blanc qui parut et disparut à côté de la lime, et du passage de cinq cygnes qui côtoyèrent la ville. Plusieurs dirent qu'on avait observé le même cercle auprès de la lune lorsque M. le duc d'Epernon avait levé son camp de devant La Rochelle.

Les intérêts des habitants de La Rochelle trouvèrent une garantie meilleure que ces présages, dans le courage de Guiton, qui avait déjà fait ses preuves, et qui possédait dans sa maison un trophée de plus de soixante enseignes, qu'il montrait glorieusement. Le courage et l'admirable constance des habitants n'étaient point au-dessous d'un si. digne gouverneur, puisque de 27000 qu'ils étaient an commencement du siège, ils ne restaient plus qu'au nombre de 5000 lors de la reddition île la place, après l'une des plus cruelles disettes dont l'histoire fasse mention. On montre encore, à marée basse, les restes de la digue que fit construire le cardinal de Richelieu pour arrêter les flottes ennemies et empêcher les secours de vivres d'entrer dans la ville. Elle consiste en un empierrement qui s'étend entre deux pointes, sur une longueur de plus de 7OO toises, interrompu, vers le milieu, par un faible intervalle laissé pour le passage des bâtiments.

Dans ce qui précède il a été présenté les époques marquantes de l'histoire de La Rochelle, qui se rattachent au grand fait de la destruction de la féodalité.

Nous voyons d'abord l'autorité royale arracher la ville des mains des seigneurs suzerains, comtes de Mauléon, et se la rattacher par l'abolition de certains droits féodaux, par la concession "le certain" privilège, et enfin par l'établissement de la commune.

Plus tard, nous voyons que l'autorité royale, après s'être ainsi substituée aux seigneurs, et les avoir dominés avec le concours des communes, se tourne au contraire contre les franchises et privilèges des mêmes communes, pour détruire en France cette multitude de petits états indépendants, et les ramener dans une seule et grande unité.
 

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Copyright Guy JOLY
date de création 30 octobre 2008