L'histoire de l'Église de la Madeleine et son fronton (Paris)

L'Église de la Madeleine, élevée au nord et dans l'axe de la place de la Concorde,
a éprouvé bien des vicissitudes avant d'atteindre le terme d'achèvement.

Vues stéréoscopiques de la Place de la Concorde, on aperçoit au fond, l'Église de la Madeleine (vers 1900)


La vue de gauche est l'originale on voit l'obélisque à droite de la fontaine,
la vue de droite ( que j'ai inversée ) l'obélisque est à gauche de la fontaine,
donc sur la vue de gauche les photos ont été inversées par le photographe.



Cartes postales de la Place de la Concorde, on aperçoit au fond, l'Église de la Madeleine (vers 1900 à 1912)



Place de la Concorde vers 1920-1930


Ce n'était d'abord qu'une chapelle de confrérie, dont Charles VIII posa la première pierre en 1493. Cette chapelle, érigée en paroisse en 1639, devint bientôt trop petite pour la population croissante de ce faubourg :de sorte qu'en 1660, Anne-Marie-Louise d'Orléans, princesse souveraine de Dombes, posa la première pierre de l'église plus grande, qui a subsisté au coin des rues de Surêne et de la Madeleine, jusqu'en 1795, époque à laquelle cette église a été vendue comme domaine national, démolie et convertie en chantiers.

Longtemps avant cette démolition, le curé de la Madeleine, ne cessait de faire observer que son église, trop petite, ne pouvait contenir le quart de ses paroissiens, en effet, le faubourg Saint-honoré, fut en peu de temps percé de rues nouvelles, et couvert de nombreuses maisons et d'hôtels considérables.

On fut longtemps à répondre aux vœux du curé de la Madeleine,, cependant M. Contant-d'Ivry, architecte du roi, fut chargé de faire des projets : il en présenta plusieurs, et il se plaignit lui-même de ce qu'on avait choisi le plus mauvais.

Ses confrères lui firent remarquer à cet égard qu'il n'eût dû en présenter aucun qui fût mauvais. Néanmoins la première pierre en fut posée et bénite le 3 avril 1764, et on travailla avec activité à cette église jusqu'à la mort de M. Contant-d'Ivry, (1er octobre 1777).

Après M. Contant, M. Couture, aussi architecte du roi, eut ordre de continuer l'édifice, mais le plan du premier architecte ne convenait pas à son successeur. M. Couture eut l'ambition-de reproduire, à Paris, le Panthéon d'Agrippa, qu'il ne connaissait que par tradition. Pour se pénétrer davantage des belles proportions de cet antique monument et de la richesse de son architecture, il entreprit, en 1780, un voyage à Rome, où il fit dessiner et mouler, sur le Panthéon, tout ce qu'il voulait imiter.

Muni de ces matériaux, et de retour à Paris, cet architecte fit démolir la plus grande partie des constructions élevées par M. Contant. Le plan qu'il exécuta jusqu'à l'astragale des colonnes extérieures, présentait un portail semblable à celui d'aujourd'hui, composé de huit colonnes de front, et six en retour seulement sur chaque face latérale, s'arrêtant à la croisée du dôme.


l'Église de la Madeleine (le Magasin Pittoresque 1834)

Les difficultés qu'éprouva M. Couture pour élever ce dôme de 60 pieds de diamètre, lui parurent invincibles; il fit nombre de projets, quantité de modèles en relief, des essais en nature, jusqu'à mettre des massifs de fonte au centre des quatre piliers du dôme construits en pierre, tous ces essais infructueux furent blâmés, reconnus impraticables par les commissaires de l’art nommés à cet effet, ils dénotaient le peu d'expérience de l'auteur dans l'art de bâtir.

La révolution de 1789 mit un terme à ces irrésolutions et arrêtant tous les travaux. Ces diverses constructions, abandonnées sans précautions de conservation, devinrent bientôt des ruines couvertes de mousse et de plantes parasites.

Un pré se forma dans l'intérieur, et les chèvres y paissaient :
les artistes voyaient avec peine se détruire des constructions qui avaient déjà coûté deux millions. Chacun d'eux cherchait à les utiliser par nombre de projets, comme une salle du corps législatif, en stade couvert, un théâtre, une bibliothèque, un marché, etc.

Le ministre de l'intérieur, M. de Champagny, pour fixer les idées de ces artistes, leur adressa, en mai 1806, un programme d'un musée à établir sur les constructions de la Madeleine, il reçut beaucoup de projets sur ce programme, mais il n'y donna aucune suite.

Napoléon, qui voulait éterniser ses victoires, ses généraux et sa grande année, rendit, au camp de Posen, le 2 décembre 1806, un décret impérial pour élever, sur les constructions commencées, et en les conservant le plus possible, un Temple de la Gloire. Le temple devait être décoré des statues des maréchaux de France et des plus grands généraux dans les murailles devaient être incrustées des tables d'or, d'argent, de bronze et de marbre, couvertes d'inscriptions à la mémoire des actions d'éclat.

Le programme fut aussitôt mis en concours. Les artistes de Paris et de toutes les villes de France s'empressèrent d'y prendre part, on ne vit jamais un concours plus riche et plus nombreux, quatre-vingt-douze projets furent exposés publiquement dans la grande galerie du Muséum pendant plusieurs semaines, la section d'architecture, deux peintres, deux sculpteurs, un graveur, et le bureau de la classe des beaux-arts de l'Institut, furent les juges de ce concours.

L'étude, le classement de tant de projets, l'examen des devis demandés qui y étaient joints (chacun était de trois millions), exigèrent de nombreuses séances de ce jury.

Le 28 mars 1807, le jugement fut prononcé; il accordait, le prix d'exécution au projet de M. Beaumont, architecte du tribunal; trois accessits à MM. Vignon (Pierre), Gisors et Peyre-Neveu, avec fortes récompenses. Six projets furent récompensés d'indemnités, et onze furent mentionnés honorablement :
en tout, vingt et une nominations.

Ce jugement fut adressé à Napoléon, mais avant de le confirmer, l'empereur voulut voir les quatre projets placés en première ligne. Ces dessins, quoique très volumineux, lui furent adressés au camp de Tilsitt; il les examina attentivement; et, sans égard au programme qui avait gêné, les architectes par l'obligation de s'assujettir à la conservation des anciennes constructions, l'empereur préféra le projet de M. Vignon, qui ne conservait aucune des constructions, à celui de M. Beaumont, qui avait complètement et heureusement rempli toutes les conditions du programme.

L'empereur trouvait que le plan de M. Vignon, adoptant la forme de temple grec, satisfaisait plus que tous les autres à l'idée de grandeur et de magnificence qu'il s'était formé et qu’il voulait imprimer à ce monument, en élevant à la gloire de ses armées.

On assure qu'une erreur de noms contribua aussi à déterminer ce choix. Un général aurait favorisé de son crédit M. Pierre VIGNON, parce qu’il le confondait avec son architecte, nommé Barthélémy Vignon.

M. Beaumont fut très généreusement récompensé, mais cet architecte en profita peu : ce changement de jugement lui causa un chagrin qu'il ne put surmonter, et auquel il ne survécut pas.

M. Vignon était justement persuadé que des constructions neuves de cette importance ne peuvent se lier avec d'anciennes fondations d'un plan différent, sans s'exposer à des tassements inégaux, à des déchirements dans les murs, dans les voûtes, et à mille accidents, dont la réparation, toujours incomplète, coulerait plus que l'établissement de toutes les fondations d'une même époque, et sur un niveau réglé.

Cet architecte fit donc démolir encore tout ce qui avait déjà été fait et défait par ses prédécesseurs, MM. Contant et Couture, et établit tout à neuf le Temple de la Gloire, suivant son plan adopté, jusqu'au retour de Louis XVIII, en 1814.


Vue stéréoscopique de l'Église de la Madeleine vers 1900

Déjà les murs de la cella et les colonnes du péristyle du Temple de la Gloire étaient élevés, mais, à cette époque, la restauration ne partageait pas les idées de gloire de Napoléon, M. Vignon eut ordre de rendre ce monument au culte et de convertir son temple en église.

L'extérieur resta le même, l'intérieur subit beaucoup de changements, et à plusieurs reprises, sans qu'on réussit parfaitement à faire de ce vaisseau une église paroissiale, avec nef, chœur, bas-côtés, et avec toutes les convenances, nécessaires à l'usage du culte catholique.

L'architecte Pierre Vignon mourut le 21 mai 1828, âgé de soixante-cinq ans, triste de ne pas avoir achevé son monument. Son corps, comme celui de l'architecte Wren à Saint-Paul de Londres, el celui de Soufflot à Sainte-Geneviève, fut inhumé sous le pronaos du temple de la Madeleine.

M. Huvé, architecte, premier inspecteur de la Madeleine succédant à M. Vignon, fut chargé de continuer ce monument. Ce quatrième architecte ne fit pas connue ses prédécesseurs, il respecta la pensée de M. Vignon, et exécuta religieusement tous ses plans.

La sculpture du fronton faite par M. Lemaire, elle représente Jésus-Christ séparant les bons des méchants à l'heure du jugement dernier.



Le programme imposé aux sculpteurs qui ont concouru pour le bas-relief du fronton de la Madeleine était conçu : « à l'heure du jugement dernier, le fils de Dieu sépare les bons des méchants, les vertus sont récompensées, les vices plongés dans la réprobation éternelle ».

Le projet de M. Lemaire a été préféré à ceux de ses concurrents. ci-dessus l'esquisse de son bas-relief.

La figure de Jésus-Christ, principal personnage de la scène, est plus âgée qu'on ne la présente ordinairement : « le calme divin du juge repose sur ses traits, ses mains étendues partagent les deux groupes, à sa droite, un ange tient la trompette qui a appelé les morts au jugement près de l'ange ont trois figures de femmes, la foi qui croise ses bras avec conviction, l'Espérance qui s'appui sur une ancre, et une jeune vierge qui porte la couronne du martyre derrière elles, la Charité et deux enfants, à l'extrémité, un ange réveille une sainte qui a une croix de bois sur la poitrine, sous sa tête, une pierre de tombeau renversée sur une urne funéraire porte cette inscription : « Ecce dies salutis, Voici le jour du salut.

A gauche du Christ, la Madeleine à genoux implore le pardon des damnés, un ange armé d'une épée de feu chasse les vicieux, représentés sous divers caractères. A l'extrémité de cette partie du fronton, un démon entraîne au supplice une femme que déjà dévorent à demi les flammes. Sur une pierre, on lit cette inscription : Væ impio ! Malheur à l'impie ! Ce fronton est sans aucun doute l'une des œuvres de sculpture les plus importantes qui aient été faites depuis-long-temps, son tympan n'a pas moins de 160 pieds à sa base, et de 20 pieds de hauteur.

Les dimensions du fronton du Panthéon de Paris sont à peu près semblables.

Le fronton de la Chambre des députés a 90 pieds sur 16, celui du Panthéon d'Agrippa, à Rome, 91 pieds sur 19, celui du temple de Minerve, à Athènes, 101 pieds sur 11.


Les frontons en général

Le fronton est une des formes architecturales dont l'origine se conçoit le plus facilement, on y retrouve en effet l'indication fidèle des toits en bois, aussi, dans les pays où le climat et les matériaux ont permis d'adopter un autre système. Les couvertures des édifices sont généralement de vastes plates formes horizontales composées de grandes dalles de granit. La forme du fronton étant assujettie à l'inclinaison du toit, a dû subir diverses modifications, selon les nécessités des pays dans lesquels elle a été successivement adoptée, c'est ainsi que l'on voit l'angle du fronton, d'abord très obtus dans les monuments de la Grèce, devenir plus aigu dans les monuments romains, puis se soumettre, dans le nord, à l'extrême élévation que le climat exige dans l'édification des couvertures.

En Grèce, le fronton, qui, originairement, n'était autre chose que l'extrémité du comble (ce que nous appelons le pignon), devint bientôt une des plus belles parties de la décoration des édifices : « on lui assigna des proportions, on s'appliqua à en embellir les contours, qui durent alors servir de cadre à de vastes conceptions sculpturales, dans lesquelles les artistes les plus habiles furent appelés à retracer des sujets analogues à la destination du monument, dont ils devenaient ainsi de magnifiques frontispices. »

Les anciens ont, comme dans toutes leurs œuvres, apporté une grande variété dans le genre de décoration qu'ils ont appliqué aux frontons : « il est plus que probable que le premier mode qu'ils adoptèrent fut simplement l'emploi de la peinture sur le stuc, puis ensuite, les arts plastiques s'étant développés, on orna les frontons de ligures en terre cuite et enfin, à l'époque où les arts eurent atteint au plus haut degré de splendeur, l'emploi des matières les plus riches et les plus belles fut introduit dans la décoration des frontons comme dans les autres parties des édifices, les bas-reliefs qui les ornaient furent taillés dans le marbre ou fondus en bronze, auquel on ajouta déplus l'éclat de la dorure. »

Vitruve, en parlant des temples araëostyles, dit : « qu'on a coutume d'orner leurs frontons de statues en terre cuite ou en bronze doré, connue on le voit aux temples de Cérès et d'Hercule, qui sont près du grand cirque, et au capitole de Pompeïa. »

Pline. parle des frontons en terre cuite comme devant durer plus que l'or. Ce fut particulièrement à leurs temples que les Grecs et les Romains s'appliquèrent l'usage du fronton, et cette forme était devenue pour eux un type tellement caractéristique de ce genre de monuments, que Cicéron disait « si on avait eu à bâtir un temple dans l'Olympe où il ne saurait y avoir de pluie, il eût encore fallu lui donner un fronton. »

Ce passage de Cicéron démontre tout à la fois l'idée primitive qu'il attachait au fronton, et le sens significatif que l'art avait su lui imprimer. Lorsque les modernes décorent le tympan d'un fronton de plusieurs figures, ils ont coutume de les faire adhérentes au fond, et sculptées dans la pierre même qui compose la construction de l'édifice, et l'ensemble de ces figures, quelle que soit d'ailleurs leur plus ou moins de saillie, forme ce qu'on appelle un bas-relief, tandis qu'au contraire les anciens avaient l'usage de rapporter dans le tympan du fronton des figures complètement isolées et sculptées séparément en ronde-bosse.

Telles étaient celles qui décoraient le fronton du temple de Minerve (le Parthénon), à Athènes. Une partie de ces figures en marbre se voient au Musée britannique à Londres, où elles ont été apportées par lord Elgin.

Nous citerons comme autres exemples de cette manière de placer ainsi des figures en ronde-bosse dans les frontons les statues de Niobé et ses enfants, qui sont à la galerie de Florence, et les onze figures trouvées en 1811 sous les ruines du péristyle d'un temple à Egine, et qui ornaient bien certainement le tympan de son fronton.

Le fronton du Panthéon d'Agrippa, à Rome, était décoré de figures en bronze scellées au tympan.


l'Église de la Madeleine 1909/1910



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mise à jour : mars 2013

Copyright Guy JOLY

Source le Magasin Pittoresque 1834 Tom 2 + cartes postales + vues stéréoscopiques