biographie d'André Marie Ampère (3ème partie)

Second mariage, télégraphe électrique, principaux ouvrages,
distraction, comparaison avec la Fontaine, les trois évènements décisifs de sa vie, sa mort

second mariage - invention du télégraphe - principaux ouvrages

Tous les amis du grand savant lui conseillaient de se remarier, afin de se constituer un foyer. Le souvenir du bonheur dont il avait joui avec Julie Caron , l'engagea à suivre leur conseil; il'se remaria en 1807, mais cette seconde union ne fut pas heureuse. Pendant que son fils enseignait à l'Athénée de Marseille, Ampère avait échangé sa chaire de l'École polytechnique contre celle de physique expérimentale du Collège de France. En 1824, il découvrait la théorie du télégraphe électrique, il lisait à l'Académie des sciences l'exposé suivant :

Autant d'aiguilles aimantées que de lettres de l'alphabet qui seraient mises en mouvement par des conducteurs qu'on ferait communiquer successivement avec la pile, avec des touches du clavier qu'on baisserait à volonté, pourraient donner lieu à une correspondance télégraphique qui franchirait toutes les distances et qui serait plus prompte que l'écriture de la parole pour transmettre les pensées.

Pendant les six dernières années de sa vie, Ampère entreprit une classification générale des sciences, en prenant pour modèle la classification botanique de Jussieu. Il eut pour collaborateur dans ce vaste travail le savant abbé Moigno fondateur du Cosmos. Dans son cours au Collège de France, il en développa le programme. Cet ouvrage a été publié sous le titre : Philosophie des sciences.

Les principaux ouvrages d'Ampère sont :

1806, démonstration de l'égalité de volume des polyèdres symétriques,
Recherches sur l'application des formules générales des variations aux problèmes de la mécanique,
Traité de calcul différentiel et de calcul intégral.

Sur l'électro-magnétisme :

Mémoire sur l'action mutuelle de deux courants électriques, sur celle qui existe entre un courant électrique et le globe terrestre et celle de deux aimants l'un sur l'autre,
1822, recueil d'observations électro-dynamiques.
Lettre sur l'état magnétique des corps qui transmettent un courant d'électricité, Les Mémoires de l'Institut.
Les Annales de chimie et de physique,
les Annales des sciences naturelles?
les Mémoires de l'Académie.


Tous les journaux de l'époque sont pleins des communications que leur envoyait Ampère et qu'on se disputait. On devine que le ton de ces écrits exclut la pensée de les voir jamais populaires, il n'en est pas ainsi de ses découvertes qui ont immortalisé son nom.

En physique, on appelle table d'Ampère, un appareil inventé par le savant et qui sert à étudier
l'action des courants électriques les uns sur les autres ou sur les aimants.

haut de page

distraction d'AMPÈRE comparaison avec LA FONTAINE - évènement décisifs de sa vie - la maladie - sa mort

Ampère, nous l'avons dit, était timide et distrait. Ces deux tendances de son esprit lui occasionnèrent une série d'aventures plus comiques les unes que les autres. Bien qu'elles soient pour la plupart connues, on ne sera pas fâché de les retrouver ici. Les bruits et le mouvement, de Paris n'empêchaient pas son cerveau de travailler sans cesse. Ses méditations l'absorbaient au point de lui faire oublier complètement l'endroit où il se trouvait. On raconte qu'un jour, cherchant la solution d'un problème important, il aperçoit un fiacre arrêté à une station, aussitôt il tire de sa poche un morceau de craie et, croyant avoir devant lui le tableau noir de la Sorbonne, il le couvre d'X, de +J et de - et d'autres signes algébriques. Il arrivait à la solution quand le fiacre se mit en marche, emportant tout le travail du mathématicien étonné.

" En 1829, lisons-nous dans le Journal et Correspondance, p. 274, quand le grand mathématicien, atteint des premiers symptômes d'une maladie du larynx, voyageait sur la route d' Hyères, où il allait chercher le repos et le soleil, assis au fond d'une calèche, à côté de son fils, il se chargeait volontiers de payer les postillons. Aux portes d'Avignon, dans ce pays déjà méridional, où le langage populaire se colore et s'accentue d'épithètes énergiques, Ampère essayait laborieusement de régler ses frais de route; mais, d'un côté, la distraction, de l'autre l'impatience, embrouillaient incessamment toutes ses additions.

L'affaire s'arrange enfin au gré de l'Avignonnais, qui reçoit son pourboire et d'un air de superbe dédain : " En via un mâtin qui n'est pas malin !
Ous qu'il a donc appris à carculer ?
.

En faisant son cours à l'École polytechnique, il lui arriva quelquefois, dans le feu d'une démonstration, de s'éponger le front avec le chiffon qui lui servait à essuyer le tableau, et par contre, il ne craignait pas d'essuyer la craie du tableau avec son foulard de soie, ce qui faisait le bonheur de son auditoire. Qui n'a entendu répéter l'histoire de ce petit caillou trouvé par le savant, au pont des Arts ?. Quelques taches sur ce caillou avaient attiré son attention, il le ramasse, l'examine, mais soudain, se rappelant qu'il est déjà en retard pour son cours, il tire sa montre. Hélas! l'heure est passée! alors il presse le pas, remet le caillou dans sa poche et jette précipitamment la montre par-dessus le parapet. Un jour, se trouvant en compagnie de ses amis, Camille Jordan et de Gérando, il leur parla treize heures de suite sur le monde et son organisation, avec un tel intérêt que ses auditeurs eux-mêmes ne s'apercevaient pas de la fuite du temps.

Le grand géomètre se trouvait mal à l'aise dans le monde, il s'y ennuyait et n'y allait que dans de rares occasions. Un soir d'octobre, il fut invité à un dîner de cérémonie chez M. de Fontanes. Il se présente donc en uniforme de l'Institut, le tricorne à la main et l'épée au côté. Après les salutations habituelles, il éprouve le besoin de se séparer de son épée longue et pointue qui le gêne dans ses mouvements. A la fin de la soirée, tous les invités se sont retirés. M. et Mme de Fontanes sont seuls avec Ampère. Malgré tous les efforts de leur politesse, la conversation languit, bientôt ils sommeillent légèrement. Ampère finit par s'en apercevoir. Il voudrait bien prendre congé, mais comment faire ?.La maîtresse de maison endormie s'est laissée retomber sur le coussin qui dérobe aux regards l'épée de l'académicien. Le silence s'accentu, les bougies s'éteignent, les domestiques s'impatientent et murmurent dans l'antichambre. Tout à coup, Mme de Fontanes, réveillée en sursaut, aperçoit dans la glace placée en face d'elle un homme brandissant une épée nue ! elle pousse un cri d'effroi. Ampère, voulant respecter le sommeil de la dormeuse, a tiré doucement son épée, mais le fourreau est resté sous l'oreiller.

On a comparé le mathématicien avec La Fontaine. Il eut la bonhomie et l'inexpérience du monde et des hommes qui caractérisaient le grand fabuliste, il passa comme lui pour un type d'homme distrait, mais chez Ampère, les distractions provenaient de la préoccupation d'esprit et non du vagabondage de l'imagination. Il n'avait d'ailleurs rien de l'égoïsme de La Fontaine et prenait, au contraire, une part très vive à toutes les douleurs qu'il rencontrait sur son chemin, qu'elles fussent publiques ou particulières.

Après le désastre de Waterloo, il écrivait à un ami :

Je suis comme grain entre deux meules, rien ne pourrait exprimer les déchirements que j'éprouve, je n'ai plus la force de supporter la vie ici. Il faut à tout prix que j'aille vous rejoindre; il faut surtout qne je fuie ceux qui me disent : " Vous ne souffrirez pas personnellement, "comme s'il pouvait être question de soi aumilieu de semblables catastrophes."

La prise de Parga et de Varsovie lui avait aussi causé de douloureuses émotions. Il ne comprenait pas qu'on pût rester insensible aux malheurs publics. Il différa encore de La Fontaine en ce qu'il se montra toujours un modèle de tendresse paternelle et, dans tous ses écrits, respectueux des bonnes mœurs.Une société d'élite, unie par un même esprit de christianisme, se groupait autour d'Ampère, elle se composait de MM. de Jussieu, Ballanche, Camille Jordan, de Gérando, Dugas-Montbel et Bergasse. Tous étaient compatriotes du savant, et célèbres dans des carrières différentes. Nous avons entendu parler, dit Ozanam, de ces réunions amicales dans lesquelles chacun apportait son tribut intellectuel, et où M. Ampère aimait à développer les preuves de la divinité des Livres Saints. Nous savons des âmes qui lui durent alors les premières lueurs de la foi. A Paris, au milieu du matérialisme de l'empire, du panthéisme de ces derniers temps, il conserva inébranlable la religion de ses premières années. C'était elle qui présidait à tous les labeurs de sa pensée, qui éclairait toutes ses méditations, c'était de ce point de vue élevé qu'il jugeait toutes choses et la science elle-même. Naguère encore, à son cours du collège de France, nous l'avons entendu justifier, par une brillante théorie géologique, l'antique récit de la Genèse. Il n'avait point sacrifié, comme tant d'autres, au génie du rationalisme, l'intégrité de ses convictions, ni déconcerté le légitime orgueil que ses frères avaient mis en lui. Cette tête vénérable, toute chargée de science et d'honneurs, se courbait sans réserve devant les mystères et sous le niveau de l'enseignement sacré. Il s'agenouillait aux mêmes autels que Descartes, à côté de la pauvre veuve et du petit enfant moins humbles que lui. Il était beau surtout de voir ce que le christianisme avait su faire à l'intérieur de sa grande âme : cette admirable simplicité, pudeur du génie, qui savait tout et s'ignorait soi-même, cette haute probité scientifique qui cherchait la vérité seule et non pas la gloire, et qui maintenant est devenue si rare, cette bienveillance enfin qui allait au-devant de tous, mais surtout des jeunes gens : nous en connaissons pour lesquels il a' eu des complaisances et des sollicitudes qui ressemblaient à celles d'un père. En vérité, ceux qui n'ont connu que l'intelligence de cet homme n'ont connu de lui que la moitié la moins parfaite. S'il pensa beaucoup, il aima encore davantage.

M. Ampère avait coutume de dire que trois événements, pourtant bien dissemblables, avaient imprimé une influence décisive dans sa vie :

Sa Première Communion et sa Confirmation en 1787, la lecture de l'éloge de Descartes, par Thomas, la prise de la Bastille en 1789.

Le premier de ces événements lui inspira l'amour de la religion, le deuxième, l'amour de la science,
le troisième lui fit embrasser avec enthousiasme les principes de la Révolution naissante.


Cet enthousiasme ne devait pas tarder à se ralentir, lorsqu'il vit la Terreur inonder de sang la France
et le père qu'il aimait si tendrement, monter sur l'échafaud, il se retourna bientôt vers celui qui est la Voie, la Vérité et la Vie.


Cependant, il faut le dire, il conserva toute sa vie des idées libérales. Il ne se préoccupait nullement de sa santé, et cette négligence faisait le désespoir de ses amis. Quelques jours avant d'entreprendre son dernier voyage, il causa longtemps et avec animation, en compagnie de M. Bredin. Ce dernier, inquiet du résultat de cette longue conversation sur la santé de son ami, lui conseilla de se calmer, de se reposer. Ma santé ! ma santé, s'écria Ampère, il s'agit bien de ma santé ! Il ne doit être question ici, entre nous, que des vérités éternelles.

II achevait son grand ouvrage sur la classification des sciences, lorsque, dans une tournée d'inspection, il tomba malade et se vit perdu. Cependant, sur le conseil de ses médecins, il partit pour Marseille . Mais le climat du Midi, qui lui avait jadis rendu la santé, fut impuissant à le sauver. On le transporta au collège de Marseille où il fut entouré d'une grande sollicitude. Les soins dévoués qu'il y reçut amenèrent une amélioration, l'espoir renaissait, son âge pas très avancé, soixante ans, faisait croire à un rétablissement. Mais la science, les veilles, les chagrins avaient usé sa vie. Souvent, après avoir employé la journée à ses cours, il passait ses nuits dans son laboratoire. Le grand savant ne s'était pas fait d'illusion, il s'était senti frappé mortellement et n'avait pas attendu au dernier moment pour remplir ses devoirs religieux, aussi répondit-il à un ecclésiastique qui lui conseillait de se confesser, le voyant mourant :

" Merci, Monsieur l'abbé, merci ! avant de me mettre en route, j'ai rempli tous mes devoirs de chrétien ! "

Pour faire naître en lui des pensées pieuses, une religieuse garde-malade offrit de lui lire un chapitre de l'Imitation de Jésus-Christ :

" N'en prenez pas la peine, ma Sœur, répondit-il, je la sais par cœur."

Une fièvre aiguë s'étant jointe à la grave maladie de poitrine dont il était atteint, il expira le 10 juin 1836, entouré de respect et d'affection, mais loin de sa famille et de son fils, étonnant par sa résignation chrétienne tous ceux qui connaissaient sa nature ardente


retour navigation
retour navigation

créé le 9 avril 2009
Copyright JOLY Guy

source : hebdomadaire les "Contemporains" du 29 avril 1894 N° 81